J.S équipe
Envoyé par:
barracudas
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Date: Saturday 14 May 2022 12:31:55
Jérémy Sinzelle : « Arrondir les angles, ce n'est pas mon truc »
Trois-quarts polyvalent et précieux, Jérémy Sinzelle, titulaire demain contre le Racing 92, est aussi réputé pour son franc-parler et ses prises de parole sans concession.
Comme il pourrait exister sur YouTube de sympathiques compilations de ses meilleures actions sur les terrains, entre passes lumineuses et décalages sur un pas, on pourrait trouver sur les plates-formes vidéo ses prises de parole d'après-match les plus saillantes. Même pas douché, encore bien chaud, Jérémy Sinzelle (31 ans, au club depuis 2017) est un bon client. Dans la joie, le joueur a la vanne facile, comme lorsqu'il avait lancé il y a un peu plus d'un an au micro de Canal+ au sujet du talonneur Pierre Bourgarit, tout juste auteur d'un triplé contre Bayonne : « Il ne fait que marquer, c'est un escroc, on le sait, c'est toujours sur des ballons portés ! »
Jérémy Sinzelle en bref
31 ans. 1,84 m ; 95 kg.
Poste : trois-quarts. Club : La Rochelle (depuis 2017).
2012 : quitte Toulon, son club formateur, qu'il rejoindra la saison prochaine (pour 3 ans).
2015 : champion de France avec le Stade Français (où il a évolué de 2012 à 2017).
« C'est Jérémy, on sait qu'il est un peu sec et que parfois, il s'emballe, en rigole le talonneur. Des fois, il est comme moi, il râle vite, mais quand il parle, ça a de l'impact. » Gros vanneur, le Rochelais fait souvent entendre sa voix à l'Apivia Parc, le centre d'entraînement, où il lance à gorge déployée des « queeeel joueuuur ! » lorsque l'un de ses coéquipiers réalise un geste spectaculaire. « Quand il y a de belles actions, on se branche, on rigole, et si on m'entend bien, c'est parce que j'ai une grosse voix », ironise l'intéressé. Dans la défaite, ses réactions sont aussi scrutées. Elles n'épargnent au besoin ni sa propre prestation ni celle de son équipe. Bref, son naturel tranche dans un milieu parfois aseptisé. Et Sinzelle n'imagine surtout « pas changer ».
« J'ai eu une éducation où il fallait toujours dire ce que tu pensais, explique-t-il dans un débit mitraillette. À table, avec mes parents et ma soeur, on se disait ce qui n'allait pas. Toujours aujourd'hui, quand on se retrouve, les repas de famille sont plus qu'animés, chacun essaie d'avoir le dernier mot ! Quand je passe devant les micros, c'est pareil, si un truc ne va pas, je le dis. Faire semblant, arrondir les angles, dire ce que voudrait entendre l'entraîneur, ce n'est pas trop mon truc, je dis ce que j'ai envie de dire. Sur la forme, ce n'est peut-être pas toujours bien, mais j'essaie de rester le plus naturel possible. Si demain on me dit que la façon dont je parle devant la presse ne va pas et qu'on me demande de ne plus aller en conférence, aucun souci, je ne vis pas au travers des médias. »
Le trois-quarts n'hésite pas non plus à prendre la parole dans le vestiaire, notamment lorsqu'il estime que l'équipe fait fausse route. « Dans un groupe, c'est pareil qu'en amitié, pour que ça dure, il faut dire au copain quand quelque chose ne va pas, poursuit Sinzelle. Quand les résultats sont là, c'est cool, ça tourne. Mais quand c'est moins le cas, entre quatre murs, il faut se dire les choses, pourquoi ça ne marche pas. » Ses prises de parole peuvent alors secouer, mais aussi libérer. « Il faut des mecs comme lui, insiste le pilier Uini Atonio. Il a beaucoup de caractère et n'a pas peur de dire ce qu'il a en tête. Moi, je sais que je prends souvent des cafés avec lui le matin, il n'a pas peur de me dire des trucs, des fois il me lance : "T'as été nul !" »
« Ce n'est pas le seul à dire les choses dans le vestiaire, mais lui les dit sans filtre, ajoute le deuxième-ligne Thomas Lavault. Il a un sacré franc-parler, des fois c'est un peu trop, mais c'est son tempérament, ça fait sa force. Si tu fais de la merde, il te le dit. Ça m'est arrivé qu'il me rentre dedans. Je sais que ça m'a fait du bien, maintenant, je peux le remercier. » Sinzelle a d'ailleurs conscience de l'impact de ses mots : « Quand il y a des jeunes qui montent dans l'équipe, il faut leur inculquer une mentalité. J'espère qu'ils comprennent quand je râle, je veux juste faire entendre que si tu joues mal des situations à l'entraînement, tu les joueras mal en match. Il faut transmettre. »
La saison prochaine, le joueur transmettra ailleurs qu'à La Rochelle. Après avoir passé cinq saisons au bord de l'Atlantique, il a signé pour trois ans à Toulon, son club formateur. En février, Ronan O'Gara avait réaffirmé en conférence de presse son attachement au joueur alors que Midi Olympique rapportait qu'il n'entrait plus dans ses plans. « Je ne l'ai pas poussé vers la sortie, j'ai un intérêt énorme à garder Jérémy », avait alors lancé le manager, précisant avoir en revanche eu « une discussion franche » avec son joueur.
« Il ne s'est rien passé de foufou, on a mis les points sur les "i", les barres sur les "t", on s'est dit les choses, ça lui tenait à coeur, confirme Sinzelle. J'ai aussi mes défauts. Ronan sait dire les choses, et je préfère ça qu'avoir un entraîneur hypocrite. Au moins, c'était clair, des choses ne lui ont pas plu dans mon comportement, on se l'est dit, on a bâché, on est passés à autre chose. Depuis, mine de rien, l'équipe a bien enchaîné, moi aussi. » Les Rochelais, qui joueront une nouvelle demi-finale de Coupe d'Europe contre le Racing 92 dimanche, ont avancé. Et même plutôt franchement.