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Grégory Alldritt, Pierre Bourgarit et Grégory Patat ont gardé le Gers au coeur
Pour la sixième journée de Top 14, les Rochelais Pierre Bourgarit et Grégory Alldritt se rendent samedi à Bayonne, entraîné par Grégory Patat, l'homme à l'origine de leur arrivée sur la côte atlantique. Un Gersois, comme eux, dont ils sont restés proches.

Les regards sont complices, presque rieurs, mais aussi un peu craintifs. Nous sommes le mercredi 26 mai 2021, à l'Apivia Parc, quatre jours seulement après la défaite rochelaise en finale de Coupe d'Europe contre Toulouse (17-22). Grégory Alldritt, Pierre Bourgarit et Grégory Patat, alors encore entraîneur des avants maritimes, ont beau avoir l'esprit embrumé et le visage marqué, ils se dérident vite en évoquant le lien qui les unit. Il leur est demandé de se rapprocher et de joindre symboliquement leurs poings pour un cliché. Ils hésitent, acceptent de prendre la pose et glissent à l'unisson derrière leurs sourires figés : « Oh, purée, si les mecs dans le Gers voient cette photo, on va se faire chambrer ! »
Le Gers, ce département qui les a vus naître, grandir, qui les a façonnés et a lié leurs destins. « Ce sont nos racines communes, pose Patat. On vient d'un département très rural, économiquement pauvre, où le travail de la terre est important. Ce goût du travail, ce respect des personnes, c'est en nous. Greg et Bourga ont eu la même éducation, c'est pour ça qu'on s'est reconnus. »

Aux premières pages de leur histoire commune, ces trois-là se sont croisés plutôt qu'ils ne se sont rencontrés. Avant d'évoluer ensemble, Alldritt et Bourgarit se sont même affrontés. Le premier évoluait au SA Condom (puis au FC Auch à partir de 2008), le second à l'ES Gimont.

« On jouait l'un contre l'autre, puis on s'est rencontrés en sélection Gers, se rappelle Alldritt, qui a vu débarquer le talonneur à Auch en 2014. Greg Patat était, lui, joueur puis entraîneur (de 2009 à 2014) de l'équipe première du FCA, je me souviens qu'il venait animer quelques séances dans mon équipe quand j'étais en benjamins, on était un peu intimidés en le voyant. »

« Je n'ai pas croisé Greg Patat à Auch, mais je le connaissais de nom, il avait déjà une fiche Wikipédia à l'époque »

De sa voix rocailleuse, Bourgarit ajoute en se marrant : « Moi, je n'ai pas croisé Greg Patat à Auch, mais je le connaissais de nom, il avait déjà une fiche Wikipédia à l'époque. » Figure du rugby local, à la fois coach du FCA et éducateur sportif à la mairie d'Auch, détaché à l'école de rugby du club un après-midi par semaine, Patat observe avec attention l'émergence de gamins talentueux : « Il y avait une génération 1996-1997 qui était très intéressante, on se disait qu'elle allait être l'avenir du club, souligne-t-il. En plus de Greg et Pierre, il y avait notamment Nicolas Corato (aujourd'hui à Pau), Paul Pimienta (Colomiers), Toto Dupont ou Anthony Jelonch, qui, eux, ont ensuite fait le choix de suivre un autre Gersois, Serge Milhas, à Castres. Moi, je suis parti entraîner à Perpignan (en 2014), mais j'ai continué à les suivre. Ces jeunes avaient repris le flambeau en équipe première. »

De fait, Bourgarit et Alldritt s'étaient, à partir de 2016, fait une place dans l'équipe gersoise, alors en Fédérale 1. Mais, en proie à des difficultés financières, le FCA a déposé le bilan une année plus tard. Un crève-coeur pour ses joueurs, contraints de penser à l'exil pour poursuivre leur carrière. « Pour le club, ç'a été une descente aux enfers, pointe Alldritt. Même si on n'a rien lâché sportivement, toute la saison a été très dure. »
Entre-temps passé au Stade Rochelais, où il s'est d'abord occupé des Espoirs, Patat a rapidement eu l'idée d'attirer des jeunes du FCA : « Je me souviens avoir vu sur la chaîne L'Équipe un match Auch-Nevers où Bourga avait été très performant. J'ai appelé Juju (Sarraute, ancien entraîneur et directeur du centre de formation d'Auch), je lui ai dit que je m'intéressais à plusieurs joueurs. Il leur fallait un autre projet avec le dépôt de bilan. J'ai proposé à Greg, Pierre et Nico Corato de venir ici, j'en ai au final attiré deux-trois, c'est pas mal ! »

Patat estime que le terreau rochelais peut leur permettre de pousser. « Je ne leur aurais jamais proposé un projet s'il ne leur correspondait pas, tranche-t-il. Je sais comment on est, fiers de nos terres, un peu casaniers. Partir de la maison, c'est un sacrifice pour nous, il leur fallait un environnement favorable pour s'épanouir. Et ici, il y a une mentalité qui se rapproche de la nôtre. » À ses côtés, Alldritt et Bourgarit opinent du chef. « Quand il faut partir à près de 400 km de la maison, tu réfléchis, souffle le talonneur. Mais venir à deux à La Rochelle nous a rassurés, on pouvait s'entraider en dehors du rugby, ça nous a rapprochés. »
Les deux hommes deviennent colocataires aux côtés de Pierre Commenge, « l'Ariégeois », précisent-ils. Leur amitié prend forme. « À Auch, on n'avait pas le lien qu'on a aujourd'hui, où on ne passe pas plus de deux jours sans se voir ou s'envoyer des messages », poursuit Bourgarit. Sur le terrain, les deux joueurs se tirent aussi vers le haut, sous le regard de Patat.

Le talonneur est le premier à s'illustrer, disputant 23 matches dès sa première saison rochelaise, s'ouvrant rapidement les portes de l'équipe de France, tandis que le troisième-ligne voit sa progression contrariée.
« J'ai eu des moments de moins bien après mon arrivée, se souvient Alldritt. J'avais fait toute la prépa avec l'équipe pro, je pensais enchaîner en début de saison et d'un coup plus rien, j'étais entre les Espoirs et les pros. Au lieu de me laisser comme ça cinq ou six mois, Greg Patat m'a nommé capitaine des Espoirs, on a beaucoup discuté, ça m'a reboosté. » L'entraîneur précise : « Greg avait un travail physique de fond à faire, il fallait qu'il arrive à finir les matches. Bourga a, de son côté, saisi la première opportunité que lui a donnée Patrice Collazo, mais il a ensuite eu un contrecoup, c'était allé trop vite pour lui. Il lui manquait le socle que Greg s'était construit pendant son passage en Espoirs. Il a fallu échanger, travailler. Mais ce sont des garçons qui savent où ils veulent aller et qui bossent. »

« S'ils jouent, on fera la part des choses. Il y aura le terrain, où chacun fera le maximum pour faire gagner son équipe, puis l'après-match, où on pourra aller boire un verre ensemble »
Les deux joueurs ont ainsi franchi les paliers jusqu'à devenir incontournable dans leur club, voire en équipe de France pour Alldritt, considéré comme un des meilleurs numéros 8 au monde. Depuis son départ du Stade Rochelais à l'été 2021, à un an de la fin de son contrat, Patat observe d'un peu plus loin la progression de ses deux protégés. Avec une « fierté personnelle », il les a vus devenir champions d'Europe au printemps dernier. Quant au fil de leurs relations, il est resté solidement noué, le technicien recroisant régulièrement les deux joueurs.

« On est proches, alors forcément son départ m'a affecté, admet Bourgarit. Mais on a continué de se parler. L'an dernier, il était resté sur La Rochelle, je venais souvent chez lui boire un café, il me débriefait un peu mes matches en début de saison. C'est différent cette saison, il a autre chose à faire... » Patat a en effet été nommé manager sportif de l'Aviron, qui recevra La Rochelle samedi.

« Ça va être la première fois que je vais les affronter, rigole Patat. Je sais qu'ils suivent les résultats de l'Aviron avec attention. S'ils jouent, on fera la part des choses. Il y aura le terrain, où chacun fera le maximum pour faire gagner son équipe, puis l'après-match, où on pourra aller boire un verre ensemble. » Et pourquoi pas convoquer quelques bons souvenirs gersois.