Re: L'équipe
Envoyé par:
rectif
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Date: Friday 11 February 2005 14:43:21
<b>Questions de cohérence</b>
L’entraîneur du quinze de France change souvent et beaucoup de joueurs. Le jeu reste hésitant et les observateurs perplexes...
HUIT CHANGEMENTS entre la Nouvelle-Zélande et l’Écosse. Cinq, cette fois pour défier les Anglais. Avec le mauvais œil, on peut observer que Bernard Laporte navigue à vue après avoir fait croire, deux fois à un an d’intervalle, qu’il entraîne une des plus belles équipes du monde et – pourquoi pas ? – la plus belle. En novembre 2003, jusqu’à la demi-finale de la Coupe du monde face aux Anglais, comme en novembre 2004, après avoir battu les Australiens, son groupe a donné l’impression de marcher sur les certitudes et vers des triomphes promis.
Mais Jonny Wilkinson et consorts à Sydney, puis Argentins à Marseille et Néo-Zélandais à Saint-Denis, ont brisé ces rêves. Brutalement. Puis est arrivée la purge écossaise samedi dernier. L’essentiel a été préservé : la victoire. Mais le reste continue d’alimenter la polémique. Au-delà des changements de joueurs, c’est le manque d’ambition et l’inconsistance du jeu qui interpellent. Et la vindicte se porte sur l’entraîneur, épargnant, comme toujours, ceux qui n’ont pas donné satisfaction sur le terrain. C’est la loi du genre et Bernard Laporte l’accepte face aux micros : « Les critiques sont normales quand on ne joue pas bien, à condition que ces critiques soient honnêtes. »
Alors, en toute « honnêteté », il y a des revirements, des silences ou des surplus d’argumentation qui font douter de la cohérence des choix de l’entraîneur.
POURQUOI SE PRIVER DE MICHALAK ?
Ouvreur à la dernière Coupe du monde, dont il fut le deuxième buteur (103 points), demi de mêlée face aux All Blacks, le Toulousain occupe également les deux postes dans son club. On peut même remarquer – guéguerre ou gestion de l’effectif stadiste ? – que Michalak, déclaré« ouvreur et rien d’autre »par Laporte, a joué la rencontre Toulouse-Béziers à la mêlée, juste avant de rejoindre les Bleus. Mais, en le décrétant ouvreur, l’entraîneur de l’équipe de France l’a aussitôt assis sur le banc des remplaçants. Aujourd’hui, il lui préfère Delaigue, plus « patron », plus« mûr » et apte à lire entre les lignes d’une rencontre difficile. Michalak reste pourtant un grand espoir et – probablement – l’ouvreur qui disputera la Coupe du monde 2007 dans l’esprit de Laporte.
En le sélectionnant quand même, pour qu’il apprenne aux côtés du « titulaire » expérimenté, Laporte se prive d’un deuxième remplaçant chez les trois-quarts, ce qui a ainsi conduit Valbon, puis Yachvili à jouer ailiers contre l’Écosse après les blessures de Rougerie et Valbon. Incohérence ? À court terme, sans doute. Mais, à plus longue échéance, la décision de « couver » la perle peut s’entendre. Quant à Delaigue, il est le « choix du roi » qui n’a pas attendu cette saison pour exprimer tout le bien qu’il pensait de l’ouvreur castrais et ancien Toulousain. Sans une blessure sérieuse au bras droit, il aurait en effet disputé la Coupe du monde 2003.
DELAIGUE PEUT-IL ÊTRE BUTEUR ?
Ses deux premiers échecs, face à l’Écosse en première période, ont lourdement pesé sur le déroulement de la rencontre (la France a ainsi été menée 0-9 à la pause). C’était envisageable pour un joueur qui ne bute plus dans son club, mais qui l’a fait, avec succès épisodiquement, quand il évoluait au Stade Toulousain. Laporte insiste : « Yann ne peut pas postuler à être l’ouvreur de l’équipe de France, s’il ne bute pas… » Dans la même logique, il place Pierre Mignoni à la mêlée, face à l’Écosse, pour ses mêmes qualités de « leader de jeu ». Et puis, face à l’Angleterre, Mignoni est remplacé par Yachivili « qui butera » et qui formera avec… Delaigue la 24e charnière en 61 matches de l’ère Laporte (voir l’infographie).
Incohérence ? Peut-être, mais la titularisation de Yachvili transpirait déjà dans les propos de l’entraîneur et du manager Jo Maso avant le match face à l’Écosse. « On aimerait avoir une charnière figée et performante, ça n’est malheureusement pas le cas. Le poste n’appartient à personne et Yachvili et Michalak peuvent très bien jouer contre l’Angleterre. »
Et la vraie incohérence n’aurait-elle pas été d’aller à Twickenham sans un buteur confirmé et, surtout sans Yachvili, le héros du dernier France-Angleterre (24-21, dont 19 points du Biarrot) ?
FALLAIT-IL ÉCARTER SERVAT ?
« Meilleur talonneur » et révélation de 2004, le Toulousain laissera dimanche sa place à Sébastien Bruno. Bernard Laporte justifie son choix par la recherche d’une meilleure tenue en mêlée fermée (il pourrait ajouter quelques lancers en touche, ratés par Servat face à l’Écosse). Exilé à Sale (Angleterre) depuis l’été dernier, Bruno connaîtra sa première titularisation à Twickenham. Mais plus que son retour au premier plan (il avait fait une apparition dans le Tournoi 2002), c’est surtout la remise en question de Servat qui fait jaser. Laporte ne le juge visiblement pas assez « solide » pour occuper ce poste au niveau international et n’a pas abandonné l’idée de l’essayer en troisième ligne centre. Sans doute lors de la tournée de juin en Afrique du Sud et Australie.
UNE TROISIÈME LIGNE QUI TARDE À SE DESSINER
Le retour de Serge Betsen ne masque pas totalement le grand vide laissé par les absences d’Imanol Harinordoquy (bientôt rétabli) et d’Olivier Magne (encore blessé). Sébastien Chabal, numéro 8 à Sale, un poste où il affirme s’être « épanoui », jouera troisième- ligne aile, côté droit, pour y exercer sa force en mêlée fermée. Pour lui aussi, Laporte a d’autres vues cet été : deuxième-ligne. En attendant, donc, il ne veut pas le voir en numéro 8, position où il exprime pourtant toutes ses qualités de puissance chaque dimanche outre-Manche. En revanche, il veut bien y placer Julien Bonnaire, lequel n’y a pas joué une seule fois cette saison avec Bourgoin et dont l’expérience au couloir de la mêlée se résume à deux matches et demi, en fin de saison dernière, avec le CSBJ, lors de la phase finale. Thomas Lièvremont, véritable spécialiste du poste, rompu aux joutes internationales ? Il n’a pas même pas été convoqué alors que ses automatismes biarrots avec Yachvili auraient été rassurants à Twickenham. Comment ne pas déceler dans cette logique de sélection une large part d’incohérence. À moins d’y déceler une grande perplexité : la troisième ligne de l’an 2007 tarde à se dessiner.
LES CENTRES SONT-ILS COMPLÉMENTAIRES ?
Damien Traille, premier centre face à l’Écosse, jouera second centre face à l’Angleterre. Pour Brian Liebenberg, ce sera l’inverse. Pourquoi ce changement ? « Brian peut mieux peser sur les points de fixation et Damien a plus de vivacité pour jouer sur les extérieurs… », explique l’entraîneur, qui aurait pu s’en rendre compte une semaine plus tôt. Au-delà de cet ajustement tactique, leurs caractéristiques sont très semblables et ni l’un ni l’autre n’a la fluidité et la qualité de passe de Yannick Jauzion, titulaire en puissance, mais blessé actuellement.
CHRISTIAN JAURENA ET HAMID IMAKHOUKHENE