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Pita Ahki (Stade Toulousain) et Levani Botia (La Rochelle), un duel à suivre en finale de Coupe d'Europe
L'opposition entre Botia le Rochelais et Ahki le Toulousain sera physique ou ne sera pas. Mais le rôle des deux premiers centres n'est pas qu'affaire de tours de cuisse et cous de bison.
Ces derniers temps, Jono Gibbes et Ugo Mola ont dû toucher tous types de bois en priant pour que Pita Ahki et Levani Botia soient en état de course le jour J. Depuis les blessures de Sofiane Guitoune (genou), Lucas Tauzin (ménisque) et Zack Holmes (ischio-jambiers), l'entraîneur toulousain craignait l'épuisement du stock à ce poste. Constat identique au Stade Rochelais, privé de Jérémy Sinzelle (genou) et Pierre Aguillon (ischio-jambiers).

Pendant que le staff du Stade Toulousain empaquetait Pita Ahki sous trois épaisseurs de papier-bulles, ne l'utilisant pas une minute depuis la demi-finale européenne contre Bordeaux le 1er mai (21-9), Gibbes et O'Gara sont arrivés au même résultat avec Levani Botia mais pas tout à fait par le même chemin. Le Fidjien n'aurait de toute façon pas pu jouer entre la demi-finale contre le Leinster (le 2 mai, 32-23), qu'il dut quitter en cours après que sa cheville droite fut prise en étau sur un plaquage, et la finale de Twickenham.
Ces derniers jours, les spéculateurs ont spéculé : O'Gara a-t-il voulu intoxiquer le camp d'en face en laissant planer l'ombre d'un forfait de Botia ? Hier midi, l'officialisation des compositions a entériné la présence de Botia avec le numéro 12. Le duel entre le casqué et le bandé aura bien lieu. Entraîneur de la ligne d'attaque du Racing, Mike Prendergast décortique ce choc entre « deux éléments essentiels dans le système de chaque équipe mais je crois quand même qu'Ahki est plus important pour Toulouse que Botia pour La Rochelle. »
Le puncheur Botia vs le le créateur Akhi : avantage au Toulousain
Ce n'est plus un secret pour personne. « Botia a été énorme contre le Leinster en demi-finales, souligne Prendergast. C'est un vrai, vrai puncheur. Physiquement, il est plus que solide. Derrière, il est la solution pour faire avancer son équipe. Quand le 10 de La Rochelle a un doute ou qu'il est face à une situation compliquée, il sait que Botia sera là pour faire une croisée, pour le soulager. En attaque, Botia est un pur joueur d'équipe. Il est évidemment fort dans le jeu direct, dans les duels, dans le jeu debout. Mais c'est aussi un joueur intelligent. C'est souvent lui qui appelle telle ou telle passe dans telle ou telle zone. »
Dans une ligne d'attaque qui ne manque pas de voltigeurs, la plus-value offensive de l'ancien centre du Connacht (IRL, 2017-2018) pourrait moins sauter aux yeux. « C'est un joueur explosif, un puncheur, mais dans un style différent de Botia, explique Prendergast. Il est davantage passeur, avec des passes allongées très dangereuses. Ses skills sont très bonnes. Il utilise aussi très bien son jeu au pied et davantage les espaces que Botia. Il possède la capacité de jouer direct, au contact, mais, en plus, il sait mettre un appui devant le défenseur. J'ai aussi souvent remarqué qu'il arrivait, grâce à ses jambes, à se sortir des plaquages alors qu'on le pensait bloqué. C'est un premier centre qui sait créer l'espace pour les autres. Il met du liant derrière. »

Le gratteur Botia vs l'utile Akhi : égalité

Pas besoin d'un dessin pour imaginer à quoi pense un attaquant qui voit Botia fondre sur lui : être n'importe où mais ailleurs. « Sa présence te fait te poser des questions, sourit l'entraîneur du Racing 92. En un contre un, il est très dur. Je trouve que la défense mise en place par Ronan O'Gara (rush défense) lui convient mieux. Botia peut monter fort sans trop s'occuper de ce qui se passe à côté de lui. En défense, cette équipe de La Rochelle s'articule autour de plusieurs gratteurs, dont lui. Dans ce boulot, Botia est hyper important parce qu'une fois qu'il pose ses mains sur les ballons, t'es foutu, il permet souvent de ralentir les libérations pour redonner du temps de replacement aux autres. »

Quiconque se rappelle la finale du Top 14 contre Clermont, en 2019 (24-18), sait l'efficacité défensive d'Akhi. Ce soir-là, il avait tour à tour désamorcé Penaud, Moala, Fofana et Toeava. « Je le trouve plus à l'aise pour défendre comme numéro 12 qu'en numéro 13, signale Prendergast. Physiquement, il est dur et, à cet endroit-là du terrain, il faut l'être. Il a les moyens de répondre à Botia sur le défi physique. Même si la défense de Toulouse est différente, Ahki est capable de "rusher" tout seul (sortir très fort de la ligne pour presser) au bon moment. Ça, c'est l'intelligence défensive du joueur, sa lecture. Il est super utile pour équilibrer ou rééquilibrer une défense. Contrairement à Botia, sa force n'est pas d'être un super gratteur. »

Avant d'affronter La Rochelle, tout le monde aime savoir si Botia sera bien sur la feuille de match. Avec ou sans lui, l'adversaire perd ou gagne en légèreté d'esprit. Blessé à la cheville droite contre le Leinster en demies, le Fidjien n'est plus réapparu depuis trois semaines. Sera-t-il 100 % ? Opéré deux fois des ligaments croisés d'un genou (2016 puis 2018), Botia a mis du temps à redevenir lui-même et à se refaire confiance. Mais depuis quelques mois, il est de nouveau craint. « Ce type est incroyable, dit Charles Lagarde, son ancien partenaire à La Rochelle. Il est cabossé, il ne s'est pas épargné en jouant troisième-ligne il y a quelques saisons, il a dépassé les 30 ans mais il est redevenu un joueur dominant. Il m'étonnera toujours. »
« Quand Ahki est sur le terrain, Toulouse est plus fort », résume Prendergast. Après la demi-finale contre l'UBB, Ugo Mola n'avait pas eu le compliment léger en déclarant : « Il n'est pas All Black (seulement à 7) mais, franchement, sur ce coup-là, ils n'ont pas eu le nez creux. » Indispensable au Stade Toulousain, Ahki l'est devenu encore plus depuis qu'une avalanche de blessures a frappé les lignes arrière. Sa régularité et sa sérénité seront d'autant plus bienvenues qu'il formera, avec l'Argentin Juan Cruz Mallia, une paire de centres ayant peu de repères communs. Tracassé depuis des mois par des problèmes à un tendon d'Achille, le Néo-Zélandais suit des entraînements à la carte et a été préservé avant cette finale.